Friday 25 August 2017

Yambol-Andrinople...Saint-Brieuc

Après des années de recherche, j'ai enfin réussi à faire la lumière sur la famille de mon grand-père Michel Bassan.

La mère de mon grand-père s'appelait Marie Béhar. elle est née le 20 octobre 1904 à Sliven en Bulgarie.
Marie est un prénom peu commun dans la tradition juive.
Pendant des années, je n'ai connu l'existence que de deux sœurs de Marie: Lina  qui a vécu toute sa vie à Sofia en Bulgarie et Solchi qui a émigré en Israël en 1948 comme la plupart des juifs de Bulgarie.

Marie a quitté son village natal de Sliven dans les années 20 pour suivre l'amour de sa vie, Pepo Bassan qui avait lui-même quitté la Turquie pour faire ses études à paris en France.
Selon la légende familiale, elle aurait quitté la Bulgarie à 17 ans, sans connaître grand-chose de la vie. La première fois qu'elle a cuit un poulet, elle l'aurait mis entier, avec les entrailles, dans un grand fait-tout...

Je spécule sur le fait qu'elle avait déjà un membre de sa famille qui vivait en France, une sœur du nom de Grazia peut-être plus âgée et peut-être aussi un frère ou un cousin vivant à Lyon s'appelant Jacques Behar né lui aussi à Sliven.

Les frères Bassan, Pepo et Sabato, étaient amis avec Jacques Ben Bassat et les sœurs Masliah, Rebecca, Claire, Selma ainsi que leur frère Marco, dont la famille originaire de Smyrne en turquie vivait à paris.
Quand Rebecca Masliah partit pour Brest s'installer avec Max Sternlicht, entrepreneur en travaux en tout genre (plomberie, zinguerie...), les frères Bassan, Marie Béhar et Jacques BenBassat ont suivi le mouvement. Pendant quelques années, il travaillent comme marchands ambulants sur les marchés de Brest où ils vendaient de la lingerie, des bas et des collants.
Pour des raisons inconnues, Sabato et Pepo décident de venir s'installer à Saint Brieuc au début des années 30.
Ils décident là encore de travailler sur les marchés et de vendre des sous-vêtements et des bas.

Ils ne sont pas riches mais ils sont heureux et s'amusent beaucoup, ils écoutent du tango, jouent aux cartes en buvant de l'arak et les hommes sont frivoles. Ils parlent en bulgare, en ladino, en turc et en français...

 En 1930, Marie retourne en Bulgarie rendre visite a sa famille. Sa mère vit à Yambol, un village situé à une trentaine de kilomètres de sa ville natale Sliven.

Le 26 octobre 1931 naît mon grand-père Michel Bassan.
 Ils vivent à l'époque 36 bis rue du Port. Sabato, le frère de Pepo habite à Cesson.
En 1933, Pepo rencontre des difficultés financières et son entreprise est placée en liquidation judiciaire.
Ils font leurs demandes de naturalisation française et attendent leurs papiers.

En octobre 1936, Sabato et Claire Masliah se marient à Saint-Brieuc, à la mairie. Pas de mariage juif, pas de Ketubbah, juste  une fête avec la famille de Claire venue de Brest et d'ailleurs et la présence exceptionnelle du père du marié et de son frère, Meshulam Bassan venu d'Andrinople/Edirne pour assister au mariage et passer du temps avec ses fils.
Ce sera probablement la dernière fois qu'ils se verront.


Meshulam reste à Saint-Brieuc quelques jours, ils se promènent en famille; mon grand-père alors âgé de cinq ans, apprend à connaître ce grand-père avec qui il converse en ladino, cette langue dont les origines remontent à l'époque des juifs d'Espagne avant leur expulsion au 15ème siècle.

En 1937, Claire met au monde son fils Michel, prénommé ainsi en l'honneur de son grand-père paternel Meshulam. En 1938 naitra à son tour Henri Haïm Bassan, prénommé en l'honneur de son grand-père maternel.

En 1939, la guerre est déclarée. Tout change brutalement.
Le 5 mars 1940, Pepo est naturalisé français par décret, et sa femme, Marie l'est aussi du même  coup.

Deux mois plus tard, le 22 mai 1940, il est mobilisé et affecté à la 11ème Section-5ème artillerie à Vannes
  Le 16 octobre 1940, il est recensé en tant qu'israélite ainsi que sa famille.
C'est la fermeture administrative du magasin et la saisie du stock de marchandises en date du 6 décembre 1940.
Un inventaire complet de leurs biens est alors effectué.
Du 14 au 30 avril 1941, Pepo est obligé de venir pointer à la mairie trois fois par semaine.

 En avril 1942, mon grand-père est dans la cour d'école en train de jouer avec ses camarades pendant la récréation. il connait bien Yvon Brilleaud, camarade de classe, mon futur grand-père paternel. C'est alors que les gendarmes rentrent dans la cour et commencent à appeler le nom de certains élèves: Maurice Davy, Michel Bassan... Ils ont arrachés à leurs jeux d'enfants et emmener à la gendarmerie avec leurs familles. Pepo, Marie, mon grand-père, alors âgé de 11 ans et demi, et tous les juifs de la région de Saint Brieuc sont sommés de quitter Saint-Brieuc pour se rendre en Sarthe.

Le 14 avril 1942, ils arrivent à Écommoy. Ils habiteront 22 rue de la gare, en résidence surveillée.
Pour Marie, la mère de Michel, ce changement de vie ne signifie pas que tout doit s'arrêter. Mon grand-père continue d'apprendre le violon qui a voyagé avec lui depuis la Bretagne, il obtient même son diplôme.
Un mois après leur arrivée, une tragédie se produit. Pepo décède. Pepo meurt officiellement d'une crise d'angine de poitrine, selon le rapport du médecin René Caillé, rapport établi CINQ ANS après la mort de Pepo.
Mon grand-père m'a raconté un jour que des soldats avaient emmené son père parce qu'ils les avaient empêcher d'abuser de Marie, jolie femme de trente-huit ans.
Le 15 mai 1942, un mois avant de fêter son quarantième anniversaire, mon arrière-grand-père est mort dans une village inconnu de la Sarthe où il est enterré.

Marie et son fils Michel reçoivent leurs étoiles
jaunes qu'ils doivent porter sur leurs vêtements en tout temps.
Le 9 décembre 1942, tout s'accélère, le danger et la peur quotidienne se transforment en survie et en terreur. La police allemande perquisitionne toutes les maisons où sont logés les juifs afin de les arrêter et les conduire au camp de Mulsanne.
25 opérations ont été opérées, selon le rapport du commandant Chartier.
7 juifs ont réussi à s'esquiver.
Parmi les 7 juifs qui ont réussi à s'enfuir, Michel Bassan, mon grand-père et Marie, sa mère.









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